La Fondation de l’islam de France veut une grande « cause nationale »

La Croix 5

Interview de Ghaleb Bencheikh pour La Croix, 1 février 2019, propos recueillis par Anne-Bénédicte Hoffner

 

Lors de la présentation de ses voeux, jeudi 31 janvier, le nouveau président de la Fondation de l’islam de France – laïque et reconnue d’utilité publique – a détaillé ses projets pour « un islam de beauté, d’intelligence et d’humanisme ».

Il a également fait appel aux donateurs pour l’aider à financer des projets qui sont, selon lui, au service « de toute la communauté nationale ».

Les projets ne manquent pas

Il faudra encore financer les nouveaux projets qui ne manquent pas : une exposition « Europe, islam, quinze siècles d’histoire » que la FIF voudrait voir accueillie au Louvre sans doute en 2021 (3 millions d’euros) ; un institut privé d’islamologie appliquée comprenant « un département pour le dialogue interreligieux et un autre pour l’autonomie de l’acquisition du savoir » ; et une « université populaire itinérante » que Ghaleb Bencheikh voudrait comme « une thérapie par la parole ».

Les attentes sont nombreuses du côté des responsables associatifs. « Que faites-vous pour les jeunes, alors que l’antisémitisme ne cesse de monter ? », l’a interrogé le fondateur de la petite association des Musulmans contre le racisme et l’antisémitisme (Micra) qui réunit les communautés autour de la cuisine. « Qui pouvez-vous nous envoyer pour des conférences dans les écoles coraniques ? », ont lancé de leur côté les responsables de la mosquée de Corbeil-Essonnes. « Pourquoi pas des petites expositions de photos abordant le fait religieux musulman qui pourraient tourner dans tous les centres sociaux de France ? », rêve un responsable associatif de Seine-Saint-Denis, qui appelle la FIF à sortir d’un public trop « élitiste ».

« Aux citoyens musulmans qui se montrent très généreux dès lors qu’il s’agit de construire une mosquée, je demande bien sûr de contribuer financièrement à nos projets culturels. Mais notre travail concerne tout le monde : la FIF est une affaire nationale », martèle son président à l’égard des donateurs, dont la frilosité le désespère. « Sans doute certains n’ont-ils pas d’argent. Mais je pense que beaucoup n’ont pas saisi le défi, l’enjeu majeur de civilisation auquel nous nous attelons. Nous aurons rempli notre mission quand la situation se sera apaisée, lorsque la question islamique dans notre pays ne sera plus problématique. »

Faire de « l’islam de France » une grande « cause nationale » ? C’est ce qu’a plaidé avec ferveur le nouveau président de la Fondation de l’islam de France (FIF), Ghaleb Bencheikh, lors de la présentation des vœux jeudi 31 janvier.

« Nous avons vraiment besoin de votre aide parce que les projets sont ambitieux, colossaux et nous n’avons pas le droit de faillir », a-t-il lancé aux 200 journalistes et responsables d’associations cultuelles ou culturelles, partenaires de la FIF, venus découvrir les projets en cours. « Notre pays aura l’islam qu’il mérite : ou un islam de beauté, d’intelligence, d’humanisme, de spiritualité, d’apaisement et là, cela devient l’affaire de tous, une cause nationale ; ou on réduit cette fondation à un nom et on risque de se retrouver dans la médiocrité, l’épouvante, voire la terreur. »

Islam républicain

Cette fondation, laïque et reconnue d’utilité publique est un pilier de cet « islam républicain » que l’ancien ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve a tenté de mettre sur les rails. Mais, un peu plus de deux ans après sa création, elle n’a toujours pas trouvé les moyens de son action.

Lors de son lancement, trois entreprises publiques avaient accepté de contribuer à sa dotation initiale : la SNCF, Aéroports de Paris et une filiale de la Caisse des dépôts. De son côté, l’Aga Khan, chef spirituel des Ismaéliens, a versé 1 million d’euros pour soutenir certains projets.

« Mon budget total, sur trois ans, s’élève à 1,8 million d’euros, soit 600 000 € par an, explique Ghaleb Bencheikh. Si j’enlève les frais de fonctionnement, et notamment les salaires, il ne me reste que 200 000 € chaque année pour les projets, y compris ceux qui ont déjà été engagés par mon prédécesseur : notre campus numérique “Lumières d’islam”, les 50 bourses accordées à des imams, aumôniers, responsables associatifs ou étudiants en théologie pour se former, et le partenariat sur la recherche en islamologie avec le CNRS ».