« Faire connaître la culture musulmane »
Entretien de Jean-Pierre Chevènement dans Réforme, l’hebdomadaire protestant, 18-24 octobre 2018.
Née à la suite de la série d’attentats terroristes de 2015, la Fondation de l’Islam de France a pour ambition de mieux faire connaître l’islam. Son président, Jean-Pierre Chevènement, nous en dit plus sur ses buts et actions.
On s’emmêle parfois les pinceaux. Quelles différences avec le Conseil français du culte musulman (CFCM) ?
La fondation est une institution laïque qui œuvre dans les champs éducatif, culturel et social. Son objet n’est pas religieux mais profane. Elle a quatre grandes missions : la formation culturelle et non théologique des imams, la mise en exergue des principes et valeurs républicains, l’étude scientifique de l’islam à travers ses textes et ses pratiques, dans l’histoire et aujourd’hui, la valorisation de l’apport des Français de tradition musulmane à la France et enfin la connaissance du patrimoine culturel arabo-musulman. Le Conseil français du culte musulman, comme son nom l’indique, a été créé pour représenter le culte musulman. Sa vocation est cultuelle.
Depuis sa création en décembre 2016, quels projets ont été concrétisés ?
La fondation a lancé ses premières actions concrètes en janvier 2017. La formation des imams a été jugée prioritaire car l’islam de France repose d’abord sur l’émergence d’imams de France comprenant nos institutions, nos valeurs et notre langue. C’est pourquoi nous les incitons, par l’octroi de bourses, à suivre des cours de français : la maîtrise de la langue garantit une bonne intégration à la communauté nationale mais aussi un dialogue possible avec les fidèles, qui ne parlent pas arabe pour la grande majorité d’entre eux. Notre instance contribue également au renouveau de la recherche française en islamologie, elle permet de comprendre ce que l’on appelle « le fait religieux islamique », autrement dit les ressorts politiques, religieux, culturels ou spirituels de l’islam. Pourquoi le salafisme exerce-t-il une telle attraction sur une partie de la jeunesse française ? Qui sont les réformistes qui luttent contre la salafisation ? Ce sont des questions auxquelles les chercheurs peuvent apporter des réponses. Aussi avons-nous noué, en février dernier, un partenariat avec le groupement d’intérêt scientifique « Moyen-Orient et mondes musulmans » créé à l’initiative du CNRS, qui rassemble plus de 300 spécialistes français. Nous allons bientôt octroyer quatre bourses de master et de doctorat pour financer les projets de jeunes chercheurs. Nous soutenons également des séminaires, des publications et des traductions d’ouvrages de référence répondant à cet objectif.
Et à l’avenir ?
Un campus numérique intitulé « Lumières d’Islam » sera lancé fin 2018, et une exposition, dont le thème sera « Europe, Islam, 15 siècles d’Histoire », pourra se tenir d’ici à 2021-2022. Le campus numérique vise à éclairer les Français dans leur ensemble sur l’islam et à promouvoir un islam des Lumières. Quant à l’exposition, elle permettra d’ouvrir l’ensemble des Français à une meilleure connaissance de la civilisation islamique.
En février 2018, vous avez émis l’idée de créer une faculté de théologie musulmane à Strasbourg…
J’ai proposé en effet que les imams puissent bénéficier d’une véritable formation, au même titre que les prêtres, les pasteurs et les rabbins, qui sont formés à bac+5. Il me semble qu’une formation universitaire en théologie comparée, en islamologie, en histoire, en philosophie et en droit permettrait le développement d’un esprit critique et la transmission du message de l’islam dans sa profondeur et son pluralisme historiques.
Article de Réforme, l’hebdo protestant