Réforme de l’islam de France: « Si on nous sollicite, nous répondrons »
Alors que se lance le campus numérique crée par la Fondation de l’islam de France, son président se dit prêt à collaborer avec Macron, à certaines conditions.
Entretien de Ghaleb Bencheikh pour L’obs , 22 janvier 2019, propos recueillis par Maria Elena Gottarelli
« Sapere aude !» : « Ose savoir !» Voici la devise latine que l’on peut lire sur la page d’accueil du nouveau campus numérique lancé par la Fondation de l’islam de France (FIF) le mois dernier. La référence à Horace et aux lumières kantiennes n’est pas un hasard, puisque le site s’appelle Campus Lumières d’Islam et est dédié à la connaissance scientifique de la deuxième religion de France.
Un lancement qui coïncide avec la mise en oeuvre par le gouvernement de la réforme de l’islam de France, annoncée par Emmanuel Macron il y a un an. Le 7 janvier dernier, le chef de l’Etat a reçu à l’Elysée les représentants du Conseil français du culte musulman (CFCM) pour discuter de l’éventuelle modification de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat.
« Le principe fondamental de la loi doit rester tel quel »
« Pour le moment, je n’ai pas encore eu de contacts officiels avec le gouvernement par rapport à cette question. Mais il n’y a aucune raison pour que la Fondation de l’islam de France ne participe pas à ce débat aussi crucial dans notre pays. Si on nous sollicite, nous répondrons », assure le président de la FIF Ghaleb Bencheikh, qui a pris le flambeau de Jean-Pierre Chevènement le 13 décembre 2018. L’islamologue affirme ne pas être opposé à une révision de la loi de 1905, mais uniquement sur « certains aspects techniques » : Le principe fondamental de la loi, celui de la séparation des Eglises et de l’Etat, doit rester tel quel. En revanche, certains aspects techniques comme la police des cultes ou les financements sont en effet à revoir. Le toilettage ne nous fait pas peur. « La modification de la loi 1905 ne doit pas viser à réformer l’islam en tant que tel, mais plutôt ses organes, ses associations et ses instances. Une vraie réforme de l’islam, au contraire, dépasserait le pouvoir public français et concernerait la pensée théologique et philosophique islamique en général. »
Selon Ghaleb Bencheikh, débattre d’une refondation de la pensée islamique est malgré tout possible en France. Reste-t-il sans doute pour cela à sortir la deuxième religion de France de sa méconnaissance culturelle et historique. Une zone d’ombre qu’entend éclairer la Fondation, institution laïque reconnue d’utilité publique. D’où le lancement de son campus numérique.
Une rubrique appelée « la République en partage»
Cette « université virtuelle » a un double objectif : informer et former. Islamologie, art, philosophie, musique, architecture et archéologie y sont mis à l’honneur, mais pas seulement. « A cet aspect informatif, on va rajouter une Web TV, avec des cours en ligne et la possibilité de poser des questions en direct », détaille Ghaleb Bencheikh. Et d’insister :
« L’idée est de faire en sorte que lorsqu’on aura une question sur l’islam, on n’ira plus chercher la réponse sur Google, avec le résultat très probable de finir sur des sites factieux et peu fiables. On viendra plutôt sur notre campus, où la connaissance produite est rigoureuse, scientifique et sérieuse.»
Et si ce campus numérique met également à l’honneur l’histoire des relations entre la France et l’islam, du VIIIe siècle à nos jours, cela ne doit rien au hasard. Il dispose même d’une rubrique appelée « la République en partage », où la question de la laïcité est abordée. « Une histoire qui a des racines très profondes, contrairement à ce que l’on peut croire », conclut le président de la FIF.