« L’islamophobie est un mot piège »
Recueilli par François Vercelletto.
Après la marche controversée contre « l’islamophobie » qui s’est déroulée dimanche, Ghaleb Bencheikh appelle à élever le débat.
Trois questions à…
Diriez-vous qu’il ne fait pas bon être musulman aujourd’hui en France ?
Non. Parce que je garde une foi intacte en la République. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas « d’actes anti-musulmans ». Selon un sondage récent de l’Ifop, 42 % des musulmans de France disent avoir été discriminés à cause de leur religion.
Pour autant, vous refusez le terme d’« islamophobie » ?
Bien avant les tensions actuelles, j’ai toujours eu une grande défiance par rapport à ce « mot piège ». Si ça renvoie à la peur de l’islam, il pourrait être fondé d’avoir peur de cette religion si l’on se limite aux attentats commis en son nom. S’il s’agit de ne pas critiquer la religion islamique, on doit la critiquer parce que toute théologie ne peut s’affirmer que dans le débat d’idées. Si elle esquive les questions, elle ne peut que se vulnérabiliser. Menacée d’asphyxie, il ne lui reste alors plus que le fanatisme et la terreur pour survivre.
Comment sortir de ce climat délétère ?
Depuis plusieurs semaines, nos compatriotes musulmans subissent la haine ou l’hostilité de certains relayeurs d’opinion. Ce que je qualifie de « misislamie » qui signifie la détestation. À un moment donné, il faut savoir dire stop. Il faut que l’autorité de la République applique ses lois et qu’elles soient respectées. L’arsenal juridique est suffisant. La peur de l’islam est aussi alimentée par un manque d’information sur ses traditions, sa culture et sa civilisation. Le niveau du débat est indigent. Je compte sur le temps long, qui passe par l’art, l’ouverture et l’humanisme.