« Quelque chose en nous de Notre-Dame »
Tribune de Ghaleb Bencheikh, le Journal du Dimanche, 21 avril 2019
Un sinistre a frappé un édifice majeur de Paris. C’est un monument multiséculaire, l’un des symboles les plus emblématiques de la nation française sur les plans cultuel, spirituel, culturel, artistique, littéraire et historique. Aussi l’émotion suscitée par l’incendie qui l’a ravagé et l’élan de solidarité qui s’est ensuivi traduisent-ils la volonté d’agir comme une seule communauté de destin face au désastre.
L’émoi général et l’empressement à vouloir reconstruire illustrent le dessein des Français de ne pas s’accommoder des stigmates de ce joyau de l’art gothique dévasté. Et conformément au vieil adage chrétien qui énonce : « Si vous voulez que les hommes fraternisent, mettez-les ensemble pour construire des cathédrales », il y a lieu d’édifier surtout une cathédrale immatérielle, celle de la nation ayant comme liant la solidarité et comme ciment le pacte républicain, sa voûte commune étant la laïcité. Nous avons tous quelque chose en nous de Maurice de Sully, de Victor Hugo et de Charles Péguy, dont les vers « À Celle qui est infiniment joyeuse / Parce qu’aussi Elle est infiniment douloureuse » ont un impact certain dans nos cœurs.
Dans la reconstruction de Notre-Dame, il y a comme une allégorie de guérison d’une nation résiliente. C’est le moment de l’immuniser contre les germes de la division. Ceux qui s’y attellent saisiront cette occasion pour sceller un contrat civique d’amitié et de fraternité pour faire France. Quant à ceux qui s’excluent de cette dynamique pour des considérations identitaires, nationalistes ou religieuses, ils assumeront leurs responsabilités devant l’Histoire. Pourtant ils n’ont d’autre patrie que la France. Face à cette attitude témoignant d’un réel malaise, mobilisons-nous.
Source : Le JDD