Avec la FIF, Ghaleb Bencheikh plaide pour « que plus jamais le vocable islam ne soit synonyme d’épouvante »
Saphir News, 1er février 2019
Deux ans après sa création, la Fondation de l’islam de France entre dans une nouvelle phase depuis la prise de fonction de Ghaleb Bencheikh à la tête de cette institution à vocation culturelle. A la première cérémonie de vœux de la structure organisée jeudi 31 janvier, le théologien a particulièrement insisté sur la nécessité de développer l’islamologie en France. Pour lui, « nous ne pouvons plus nous accommoder de la bassesse, de la médiocrité du débat » autour de l’islam.
La Fondation de l’islam de France (FIF) entre dans une nouvelle phase en 2019 et elle entend bien le faire savoir. Ce fut chose faite lors d’une cérémonie de vœux que la jeune institution a organisé jeudi 31 janvier. Un signe ne trompe pas l’enthousiasme suscité par l’accession de Ghaleb Bencheikh à la présidence de la FIF en décembre : la salle louée pour l’occasion dans le 7e arrondissement parisien, tout près du siège de la fondation, était bien trop petite pour accueillir les quelque 250 convives, personnalités de la société civile, du monde associatif et religieux.
« Nous vivons un temps historique. Peut-être même qu’il a été tardif mais il vaut mieux tard que jamais », débute-t-il, non sans rendre au passage un « hommage à l’homme d’Etat » que fut son prédécesseur. « Quelques circonstances ont fait en sorte qu’il ait mieux valu que Jean-Pierre Chevènement donne l’élan à cette fondation, indépendamment de la confession de son président. (…) Je n’ai jamais tu mon appartenance confessionnelle. Est-ce que cela va faire de moi un bon président ? Je ne suis pas sûr. Ce n’est pas l’islamité qui fait le président », indiquera plus tard l’islamologue, tout en concédant que le fait d’avoir une personnalité musulmane à la tête de la FIF, « au niveau de la symbolique, c’est important ».
Développer l’islamologie pour sortir « de la médiocrité du débat » sur l’islam
Face à une salle qui paraissait bien acquise à la cause du théologien, celui-ci a passé en revue la feuille de route de son institution et ses ambitions. Et elle n’en manque pas. Ghaleb Bencheikh évoque, entre autres, l’exposition « Europe, Islam, quinze siècles d’Histoire » que la FIF prévoit en 2021 « ou peut-être après 2022 » après les présidentielles.
C’est que le travail de la FIF, dans une triple mission « éducative, culturelle et sociale », s’inscrit, pour l’islamologue, dans « un enjeu de civilisation marié à une cause nationale », dans le but affiché « que plus jamais le vocable islam ne soit synonyme d’épouvante » et « que plus jamais la question islamique dans notre pays ne soit problématique ».
Ghaleb Bencheikh confie ouvertement son souhait de voir un jour s’ouvrir un institut privé d’islamologie appliqué dans l’est parisien qui compterait « un département pour le dialogue interreligieux et un département pour l’autonomie de l’acquisition du savoir ».
Toutefois, « je ne veux pas qu’on dise que la Fondation, c’est de l’élitisme », souligne-t-il, citant l’aide de sa structure aux imams et cadres religieux pour des formations profanes, notamment en sciences et de l’homme et de la société. Ces ministres du culte, semblables à « des thérapeutes de l’âme », doivent avoir « un minimum de psychologie, de connaissance et d’affection pour (la) jeunesse ».
« Exorciser les hantises, apprivoiser les peurs »
Préférant parler de misislamie qu’il définit comme « une hostilité irrationnelle de l’islam » plutôt que d’islamophobie, l’islamologue s’insurge contre « ceux qui affichent délibérément des mensonges éhontés sur cette tradition religieuse » qu’est l’islam. « Le vocabulaire islamo-délinquant, islamo-fasciste, islamo-gauchiste, islamo-terroriste, ça doit être fini ! », lance-t-il avec force.
En ce sens, il rappelle la volonté de la FIF d’organiser des colloques et, plus encore, de mettre en place une université populaire itinérante avec un « tour de France de la fraternité, de l’intelligence et du débat pour exorciser les hantises, apprivoiser les peurs et crever l’abcès ». « Je crois fondamentalement que, dans notre nation qui est résiliente et convalescente, à la thérapie par et de la parole », argue Ghaleb Bencheikh.
Des ambitions qui appellent des moyens
« Nous avons vraiment besoin de votre aide parce que les projets sont ambitieux, colossaux et nous n’avons pas le droit de faillir », affirme-t-il devant la salle. « Notre pays aura l’islam qu’il mérite : ou un islam de beauté, d’intelligence, d’humanisme, de spiritualité, d’apaisement et là, cela devient l’affaire de tous, une cause nationale ; ou on relègue cette fondation à sa dénomination et (…) on risque de se retrouver dans la médiocrité, pour ne pas dire l’épouvante et la terreur. »
« J’ai accepté une mission pour laquelle les uns me traitent d’apostat et de mécréant et les autres de taqiya et de dissimulation », indique-t-il par ailleurs. A ceux qui le traitent d’apostat, Ghaleb Bencheikh choisit comme réponse de prononcer à haute voix la profession de foi – la shahada – en signe d’affirmation pleine et entière de sa foi musulmane. « Et aucune force dans le monde ne saura me l’enlever car je le crois fondamentalement, c’est gravé dans mon cœur ! », envoie-t-il sous les applaudissements nourris de l’assemblée.