Soldats musulmans morts pour la France : « le pacte avec la Nation a été scellé dans le sang ».
Ghaleb Bencheikh était l’invité du journal du matin sur Radio Orient. Il s’exprimait sur la présence de la Fondation, aux côtés de l’aumônerie musulmane aux armées, à la cérémonie de commémoration de soldats musulmans morts pour la France. Propos recueillis par François-Xavier de Calonne.
Douaumont, Meuse, 25 juin 2019
Extraits :
« L’ensemble de la commémoration s’articule sur deux points fondamentaux. D’abord, l’éloge du patriotisme républicain, cet universel républicain auquel nous sommes tous attachés. Cet éloge se fait autour du sacrifice des soldats, quels qu’ils soient, engagés dans l’armée française durant la Première Guerre mondiale, et la participation des soldats musulmans – des centaines de milliers – est à mettre en évidence pour l’inscrire dans le récit national ».
« Le second axe repose sur le triptyque islam, patrie, Grande Guerre, qui fusionnent. Certains encore, hélas, de nos jours, pensent que l’élément islamique est étranger au corps national alors qu’il est au cœur de la Nation, tout particulièrement quand les soldats ont consenti le prix du sang, le sacrifice suprême ».
« Au moment de la Grande Guerre, il y avait une véritable fraternité d’armes par-delà les appartenances confessionnelles et les classes sociales. De nos jours, le contexte est celui d’une difficile cohabitation, de tensions. Je ne cesse de répéter que notre Nation est convalescente, traumatisée, résiliente, et là aussi nous avons besoin d’une union sacrée qui nous libère de la tenaille entre l’offensive fondamentaliste wahhabo-salafiste d’un côté, qui prend le religieux comme une revendication politico-identitaire, et de l’autre côté, ce que d’aucuns appellent la fachosphère ».
« Ces commémorations donnent lieu à la profondeur historique, au récit national. Il faut se souvenir qu’à Verdun, nos parents et grands-parents ont tous fait preuve de bravoure et la composante islamique était très exposée dans certaines tranchées. Le sacrifice suprême consenti par les soldats, avec courage et abnégation, doit être mis en avant ».
« Cela n’est hélas pas assez connu des Français, il y a des manquements et il est temps de le rattraper. C’est pour cela que nous serons aux côtés de nos partenaires de l’aumônerie musulmane aux armées à Douaumont. Nous continuerons à œuvrer inlassablement, de commémoration en commémoration, mais aussi dans une approche pédagogique, pour montrer qu’un pacte civique a été scellé.
L’édification de la Grande mosquée de Paris est aussi une reconnaissance de différents dirigeants français de l’époque, de Millerand à Poincaré en passant par Deschanel, Doumergue, le soutien des Maréchaux Lyautey, Foch, Franchet d’Espèrey et le rapport Herriot de 1922. La tradition religieuse islamique fait partie intégrante de la République française.
Le pacte avec la Nation a été scellé dans le sang ».
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