Ambition et concorde : les voeux de la Fondation de l’Islam de France
Croyances & Villes, 1er février 2019.
Jeudi 31 janvier, en présence de Jean-Pierre Chevènement ancien Président de la Fondation de l’Islam de France et de Jean Louis Bianco, président de l’Observatoire de la Laïcité, Ghaleb Bencheikh a présenté les vœux de la Fondation de l’Islam de France. Passionné et passionnant il a donné ampleur et ambition à sa mission, réaffirmant son engagement et celui de la Fondation à faire que plus jamais la question islamique dans notre pays ne soit problématique.
La salle est comble et le public visiblement plus nombreux que prévu. Imams, personnalités, représentants d’associations confessionnelles ou oeuvrant dans l’inter-religieux et le secteur socio-éducatif ont répondu en masse à l’invitation du nouveau Président de la Fondation de l’Islam de France.
Après avoir rappelé que la fondation est une institution laïque d’utilité publique oeuvrant pour le bien commun et l’intérêt général, Ghaleb Bencheikh a donné sa feuille de route déclinée suivant la triple mission éducative, culturelle, sociale de la Fondation. Selon lui, les esprits seront apaisés lorsque que l’on aura reconnu la valeur de la tradition religieuse islamique et de l’humanisme d’expression arabe qu’elle a pu produire dans l’histoire et qui est souvent ignoré voire insoupçonné. Aussi, à son avis, il est temps de le réactualiser et de le marier avec d’autres courants humanistes pour le bien de l’homme, pour son émancipation pour la préoccupation de la personne humaine. C’est dans ce cadre qu’il inscrit l’action de la Fondation et qu’il en a accepté la présidence.
Une façon de rendre hommage à son prédécesseur, Jean-Pierre Chevènement, à son courage politique et à son travail. Il cite notamment la mise en place d’une filière de recherche en islamologie avec le Groupement d’Intérêt Scientifique, le CNRS, rappelant que cette discipline scientifique sur le fait islamique et non pas, seulement théologique, permet de comprendre la chose islamique. Il plaide d’ailleurs pour une islamologie savante et enseignée dans les universités en France comme c’est déjà le cas à Berlin. Il replace également dans l’héritage de Jean-Pierre Chevènement la formation des imams sur le plan moral et cultuel, 100 bourses on déjà été octroyées, le campus numérique, l’université virtuelle de la Fondation ainsi que le projet d’exposition dénommé « Europe, Islam : 15 siècles d’histoire » qui se tiendra dans un lieu prestigieux à Paris, probablement au Louvre et très sûrement en 2021. Un événement auquel il souhaite donner un retentissement mondial et dont il signale avoir reçu du Prince Aga Khan un soutien financier, comme c’est déjà le cas pour les actions cités précédemment. La Fondation a besoin d’aides et de subsides et il le répétera à plusieurs reprises au cours de la soirée. Car sa conviction profonde est que « notre pays aura l’Islam qu’il mérite : ou un islam de beauté, de civilisation, de spiritualité, d’humanisme, d’intelligence, d’apaisement » et là, pour lui cela devient l’affaire de tous et c’est une cause nationale, ou alors comme il le craint, que cette fondation se trouve reléguée à sa dénomination, et qu’ensuite faute de moyens, il ne faille pas s’étonner qu’elle devienne communautariste « avec le risque, sans moyens, de nous retrouver toujours dans la médiocrité pour ne pas dire pas l’épouvante ou la terreur ». Il voit ainsi l’action de la Fondation dans une dimension nationale et internationale, une action de redressement et non de représentation ou de représentativité « qui peut se faire depuis Paris si cela ne se fait pas depuis Tripoli ou au Caire » souligne-t-il.
C’est ainsi que la Fondation envisage de participer et d’organiser des colloque nationaux, voire internationaux, afin de « s’approprier la parole islamique dans notre pays et ne plus la laisser à des aventuriers, des ignares où à des mésislamiques qui disent n’importe quoi et répandent des mensonges éhontés sur notre tradition et sa civilisation. Cela doit être fini ! » déclare-t-il avec force. Parmi les thèmes avancés on trouve la liberté de conscience, la désacralisation de la violence, l’autonomie de l’acquisition du savoir par rapport aux lectures confessantes. Le premier aura d’ailleurs lieu les 26 et 27 février prochains avec l’association « Islam 21 ».
Interrogé sur la gouvernance des institutions représentatives de l’islam, Ghaleb Bencheikh a souhaité qu’il y ait une instance qui gère l’exercice du culte islamique en France et a adjuré ses compatriotes coreligionnaires à « être dans l’union, dans la sagesse, dans la volonté d’un bien commun pour se mettre d’accord dans l’aspect proprement cultuel », réaffirmant que la fondation ne s’occupe pas des questions cultuelles.
Pour preuve parmi ses multiples projets, la Fondation envisage aussi de créer une université populaire itinérante dans les grandes villes de France : une sorte de tour de France, de l’intelligence, de la fraternité et du débat ayant pour objet d’ouvrir à la discussion afin d’exorciser les peurs, crever l’abcès et de répondre à : qu’est-ce qu’il ne va pas ? À plus longue échéance, inspiré par le modèle de la Fondation de l’Aga Khan, c’est un institut d’islamologie appliquée en Seine Saint-Denis qui devrait voir le jour pour enseigner le dialogue interreligieux et l’autonomie de l’acquisition du savoir, un sujet que Ghaleb Bencheik a très à cœur.
Le résultat de toutes ces actions doit permettre, selon sa formule, de ne plus considérer dans notre pays qu’il y a des « eux » et des « nous » et que les « eux » ne sont pas « chez eux chez nous », affirmant ainsi l’idée d’une nation commune et de ses différentes composantes sociales, dont la composante islamique, qui comptent toutes pour le bien de tous, dans le respect de la loi commune.